DOSSIER SÉCURITÉ CIVILE (3/​3) — Démineurs, une bande d’étonnants experts

Har­ry Cou­vin —  — Modi­fiée le 2 octobre 2025 à 12 h 00 

#BrigadeInside — En préparant cet article, nous nous sommes arrêtés sur l’unité de déminage avec laquelle, il nous arrive de travailler. Après un tour de la rédaction, nos idées restaient floues sur la question. C’est pourquoi nous avons pris la route vers les alentours de Versailles pour en savoir plus. Nous avons été reçus par le capitaine de police Quentin Gross, qui commande l’unité, et Thomas, un pompier de Paris en reconversion. Un reportage percutant.

Garant d’un ter­ri­toire d’action qui couvre presque un sixième de l’hexagone (toute la région pari­sienne, sauf Paris défen­du par le LCPP1, ils peuvent aller de Hon­fleur (76) jusqu’à Bourges dans le Cher (18), par exemple), le centre de démi­nage prin­ci­pal de la sécu­ri­té civile est consti­tué de seize démi­neurs. Leurs mis­sions sont extrê­me­ment variées. Même si l’on pense tout de suite aux objets sus­pects, le plus gros tra­vail réside dans la mise hors d’usage de muni­tions de guerre retrou­vées au hasard, d’un chan­tier, d’un labou­rage ou dans la mai­son d’un par­ti­cu­lier. Ces opé­ra­tions sont quo­ti­diennes et plu­sieurs obus, bombes ou autres gre­nades passent entre leurs mains pour être désactivés.

Le capi­taine nous explique que la qua­li­té pre­mière d’un démi­neur est le pou­voir d’adaptation. En effet, il semble qu’il n’y ait pas de rou­tine chez les démi­neurs à en croire l’emploi du temps du chef de centre qui devait récu­pé­rer une muni­tion ancienne à Conflans-Sainte-Hono­rine (78) l’après-midi de notre visite et aller faire explo­ser un autre engin le len­de­main quelque part dans la campagne.

Sécu­ri­sa­tion du péri­mètre. Une des mis­sions par­mi les moins connues des démi­neurs consiste à sécu­ri­ser un lieu qui doit rece­voir le pré­sident de la Répu­blique ou d’autres digni­taires fran­çais ou étran­gers. Ils doivent faire preuve d’imagination pour véri­fier toutes les cachettes pos­sibles sur un par­cours ou un site sen­sible. Ce fut le cas à plu­sieurs reprises pen­dant les jeux olym­piques et para­lym­piques, par exemple.
De même, si les démi­neurs ne se déplacent pas pour chaque bagage oublié dans un RER, ils doivent par­fois uti­li­ser des méthodes ingé­nieuses pour appré­hen­der une valise sus­pecte. Tels les méde­cins, avant toute inven­tion sur le bagage, ils lui font pas­ser une radio­gra­phie pour voir s’il contient quelques élé­ments sus­pects, comme un fil élec­trique, une pile ou autre chose qui pour­rait ser­vir de déto­na­teur. L’imagination des ter­ro­ristes et les tutos du net étant tou­jours plus variés ! Si c’est le cas, un mini (mais très puis­sant) canon à eau pro­pul­se­ra un pro­jec­tile sur la valise pour la désa­mor­cer. Autant de tech­niques hété­ro­clites qui demandent une for­ma­tion adéquate.

For­ma­tion. Après un pas­sage de quelques semaines par l’école de la Police natio­nale, dont dépendent les démi­neurs de la DGSCGC, les col­la­bo­ra­teurs de niveau 1 arrivent dans leur uni­té, alors qu’ils n’ont pas encore ter­mi­né leur appren­tis­sage. Ils doivent alors conti­nuer d’apprendre tout en étant opé­ra­tion­nels comme adjoints-démi­neurs. Il faut dire que la recon­nais­sance de tous les engins explo­sifs et de leur méca­nisme de mise à feu depuis plus d’un siècle, n’est pas une siné­cure. Le capi­taine Gross nous emmène dans le musée pour le démon­trer. Dans un boyau du fort, long d’une bonne cen­taine de mètres qui s’enfonce dans la col­line, sont expo­sés d’innombrables objets explo­sifs, du mor­tier à la bombe aérienne, de la roquette aux obus. Toutes les formes, tous les dis­po­si­tifs sont le résul­tat de l’imagination, là aus­si très fer­tile, des ingé­nieurs mili­taires. Mais cela com­plique osten­si­ble­ment le tra­vail des démi­neurs qui doivent iden­ti­fier la chose pour la désa­mor­cer sur place ou l’emporter pour la trai­ter dans un lieu sécurisé.

Tho­mas, notre pom­pier de Paris en recon­ver­sion, nous le confirme. « À la grande dif­fé­rence de la Bri­gade, où chaque situa­tion pos­sède une solu­tion opé­ra­tion­nelle pré­vue, ici, le champ des pos­sibles est immense. Pour chaque objet, qu’il s’agisse d’une simple gre­nade ou d’une bombe de 500 kg, il faut trou­ver la solu­tion parfaite. »

Un EPI de poids. Enfin, nous avons droit à une « séquence mode » avec la tenue de pro­tec­tion. L’ensemble très opé­ra­tion­nel ne pèse pas moins de 40 kg. Les dépla­ce­ments sont com­pli­qués, les gestes moins pré­cis, le champ de vision réduit et la cha­leur inté­rieure redou­table. Nos démi­neurs ne la portent donc que dans les cas extrêmes. « Cela dit, c’est un bon baro­mètre de l’état opé­ra­tion­nel du gars qui est dedans, nous explique le capi­taine. Car, mal­gré toutes ces contraintes et cet incon­fort, il faut gar­der le sang-froid et la luci­di­té néces­saires pour ne pas prendre la mau­vaise option »

1 : LCPP : labo­ra­toire cen­tral de la pré­fec­ture de Police

Photos : SCH Nicholas Bady

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